Les Diablogues de Roland Dubillard

Création en coproduction avec le Taps Scala de Strasbourg du 22 au 26 mars 2011 à 20h30 (le 27 mars à 17h)

Au Théâtre Municipal de Haguenau le 05 avril 2011 à 20h30

Roland Dubillard, né en 1923, se situe aussi dans la lignée des surréalistes français, et Jean-Michel Ribes lui rendit un formidable hommage en 2003 au Théâtre du Rond-Point à Paris pour ses 80 ans… Il reçut le « Molière » du meilleur auteur pour les « Diablogues » en 2008. Autant un exercice littéraire comique qu’un duo de clowns fragiles, clowns du verbe, « Les Diablogues » mettent en jeu deux personnages, Un et Deux, dans la dérision de leurs obsessions : une respiration comique de laquelle s’exhalent des parfums d’amour, de gravité, de poésie. Parés de l’innocence des personnages beckettiens, du goût du verbe classique et de l’amour de la comédie, entre tendresse et pudeur, les deux personnages apparaissent dans un dénuement les rendant aussi vulnérables que têtus, mais toujours profondément humains.

Christophe Feltz, comédien, metteur en scène.

Roland Dubillard simule et feint de s’enchevêtrer dans les maladresses d’un raconteur qui s’embrouille, minutieusement définitif à vouloir enfin tout décrire, tout exprimer une bonne fois pour toute à la comprenette d’un autre qui l’écoute, peut-être est-ce nous qui lisons, effarés de rire, ou plutôt le numéro deux du duo qui rajoute alors son grain de sel en paroles scrupuleusement obliques, ils s’écoutent et se disjoignent, sans voir que leur compréhension s’éparpille… Tous les deux précipités à se comprendre, ils se sont peut-être manqués, alors exténués d’avoir cru s’être compris si vite, ils se taisent. Et recommencent.

Luc Schillinger, comédien.


Les deux personnages des « Diablogues », Un et Deux comme ils sont nommés par l’auteur, nous parlent, nous entretiennent d’un monde dévasté, probablement détruit par une sorte de déshumanisation globale, lente et rampante… inéluctable…
Il faut donc réinventer un autre monde, un nouveau monde, un monde différent…

Comment faire ?

Verbaliser l’humanité, la mettre en mots pour la reconstruire, la faire renaître de ses cendres encore chaudes d’une « Vie d’avant » le cataclysme psychique, si proche…et pourtant si loin…disparue…
Pour ce faire, ces deux clowns du verbe, Un et Deux, parlent, vocifèrent, fabulent, inventent, raisonnent…un nouveau langage….ils détournent les mots, triturent le sens, les sens…l’essence du langage…Mais ce qu’ils raisonnent est déraisonnable, ce qu’ils fabulent est indéfendable et ce qu’ils vocifèrent est incompréhensible…Cette douce folie « becketienne » par bien des aspects (dans le sens où toute cette verbalisation par définition est vaine et sans espoir…) est malgré tout nécessaire et vitale au maintien de la position d’être vivant sur cette planète…Pour comprendre ou essayer de comprendre les raisons existentielles de la présence de l’homme sur terre, il faut faire vivre les mots….seule issue…les bouger, les malaxer, les réduire en miettes et en bouillie…avant de les faire renaître neufs et frais…pour réinventer le monde…Il faut les mettre en avant, en arrière, en exergue afin de pouvoir enfin articuler sa pensée et ses idées…les mots deviennent alors eux-mêmes les personnages de cette histoire de l’humanité à reconstruire…un peu dans l’idée de Nathalie Sarraute dans son livre « Ouvrez » où « Pourquoi » répond à « qu’est ce que ça a de surprenant » alors que « au revoir » décide de quitter la conversation…Un et Deux sont perdus, sans repères dans cet espace inconnu et indicible…Ils ont tout simplement peur, et cela les amène, de manière pathétique quelquefois et drôles, souvent, à mettre en place une dialectique théâtrale surprenante dans une urgence vitale et jubilatoire…Cette recherche « sartrienne » de Dubillard (nous n’avons pas choisi de naître et nous sommes pourtant responsables de tous nos actes…) se prodigue par jets, par salves, par fulgurances…Le monde est vain, sa mise en mots aussi, mais il reste cet espoir secret d’un lendemain différent où l’humanité se sera sauvée par sa propre humanité retrouvée…Malgré tout, Un et Deux philosophent avec joie et surréalisme de leur propre avenir, de leur propre devenir…dépendant de leur passé et basé sur leur présent…

Tous ces thèmes développés dans l’œuvre de Roland Dubillard nous renvoient à l’actualité immédiate du monde, de la politique, de la géopolitique, de l’absurdité des systèmes, de la perte  d’identité, des flux migratoires, des rapports de pouvoir…où l’humain se noie …
Un et Deux crient au secours avec virtuosité, humour et insistance…Ils interpellent la foule, ils sont les tribuns de l’âme, les verbalisateurs de l’inconscient, les derniers des mohicans…Il faut les entendre !
On sent aussi dans le cœur de l’écriture même de Roland Dubillard toute cette belle et forte filiation d’auteurs contemporains français dits surréalistes…Georges Perec, Raymond Queneau, Roland Topor, Jean-Michel Ribes, Jacques Prévert, Boris Vian, Nathalie Sarraute, Robert Pinget, Jean Tardieu, Eugène Ionesco, Samuel Beckett…
Notre projet d’acteurs repose sur ce désir sincère, profond et ludique de faire entendre cet appel…ce cri…cette vocifération…de mots…qui nous touche, nous fait vibrer, nous fait jubiler et nous fait réfléchir…
Nous désirons partager avec le public ces questionnements dont le monde en crise économique mais aussi psychique, a vraiment besoin…

Christophe Feltz, comédien, metteur en scène.


Mise en scène Christophe Feltz
Conseil artistique Chantal Richard
Lumière et scénographie Daniel Knipper
Jeu Christophe Feltz, Luc Schillinger
Musique Francesco Rees
Costumes Rita Tataï
Régie son Léa Kreutzer
Photos Raoul Gilibert

Photos     Raoul Gilibert