Si proche de Desproges d’après Pierre Desproges
Création en coproduction avec l’Illiade à Illkirch du 19 au 28 février 2010
En tournée depuis 2010, plus de 50 représentations
Notre projet est de considérer et de mettre en avant l’auteur, l’écrivain Pierre Desproges sans occulter les axes humoristiques mais aussi surréalistes et sensibles de son écriture.
Nous aimons sa vision du monde, son cynisme et la formulation de ses questions existentielles.
Pour nous il est un grand auteur qui nous manque beaucoup aujourd’hui et que le public désire aimer et entendre à nouveau.
Pierre Desproges nous parle, nous entretient d’un monde en proie au doute, d’une société en perte d’identité qui recherche des repères, d’une planète touchée par une déshumanisation globale, lente, rampante et inéluctable.
Il faut donc réinventer le monde, un autre monde, un nouveau monde, un monde différent.
Pierre Desproges nous manque…
Sa liberté, sa fantaisie, sa dérision, son cynisme, son humour et son intelligence nous manquent….Si Pierre Desproges nous manque c’est bien qu’il a tissé avec nous tout au long de sa carrière une vraie relation d’amour et de partage sincère…
Pierre Desproges nous touche…
Il nous livre son intimité, sa maladie, ses angoisses, ses blessures, ses joies et ses éclats de rire…avec une générosité et une vérité saisissantes…
Pierre Desproges nous interpelle…
Son regard ciselé et aiguisé sur le monde et l’humanité est unique….
Il décortique les sentiments, analyse les comportements avec ses yeux de faux méchant, d’humain fragile et sensible…
Pierre Desproges nous parle à l’oreille…nous chuchote quelques vérités…
toujours avec une grande humilité et beaucoup d’autodérision….
Il fait partie de ces grands artistes que l’on aimerait entendre aujourd’hui…
parler de ce monde globalisé et déshumanisé….
de ce moment de l’humanité où l’humain fabrique un monde où il n’est lui-même plus le bienvenu….
de cette fameuse « crise » qui n’est pas qu’économique ou financière, mais aussi identitaire, existentielle…
« crise » de la dépossession, de la perte de contrôle de l’homme sur le monde et sur lui-même…début sans doute d’une longue déshérence, d’une perte sans retour…
de cette fraternité oubliée…de ce monde enfermé sur lui-même, atrophié par des soucis matérialistes égocentrés et sans espoir…
Pierre Desproges est un grand artiste et un poète rare car il réinvente le monde…
Il le triture, le malaxe, le déconstruit pour mieux le faire entendre et comprendre…
Pierre Desproges est un artiste différent, unique et original qui restera longtemps dans nos cœurs…
car ses textes finalement ne parlent que d’amour…
C’est pour toutes ces raisons…que je me sens si proche de Desproges…
Pierre Desproges est vivant !
Christophe Feltz, comédien, metteur en scène.
Mise en scène Christophe Feltz
Lumière et scénographie Daniel Knipper
Jeu Christophe Feltz
Musique Francesco Rees
Régie son Matthieu Zisswiller
Costumes Rita Tataï
Vidéo et graphisme Laurent Salles et Hugo Rimélé
Photos Raoul Gilibert
Extraits : « Je ne suis pas à proprement parler ce qu’on appelle un maniaque »
Je ne suis pas à proprement parler ce qu’on appelle un maniaque.
Simplement j’aime que tout brille et que tout soit bien rangé.
Quand je rentre à la maison, la première chose que je fais, c’est de me servir du thé. Je me verse moi-même le thé, bien au milieu du bol. Le sucre doit être vertical. Sinon, c’est le bordel.
Ensuite je range le bureau, le chien, les gosses et j’astique le zèbre. J’aime beaucoup les zèbres, les rayures sont bien parallèles.
J’aime que les choses soient parallèles. Je n’apprécie rien tant que cet instant trop éphémère, hélas, où ma montre à quartz indique 11h11. Parfois j’ai un orgasme jusqu’à 11h12.
Chaque samedi soir, à 22h15 précises, je range ma femme dans le lit et je la fais reluire jusqu’à la demie. Hélas, notre harmonie n’est pas parfaite : c’est une femme qui ne parvient pas toujours à garder les jambes bien parallèles.
Ludiquement parlant, ça me désoblige.
Elle est bordélique, pour tout dire. Notre dernier pique-nique s’est très mal terminé. Elle voulait rentrer sans avoir rangé la clairière, ni plié les papiers gras, ni même ma tante Emma, qui est paraplégique, et qui par conséquent ne peut se plier toute seule.
J’avais beau la supplier : « Suzanne, ne pars pas encore. »
Ne me quitte pas.
Il faut tout plier.
Tout peut se plier.
Tu t’enfuis déjà…
Que voulez-vous, j’aime l’ordre.
C’est un besoin de clarifier les choses dans ma pauvre tête de perturbé congénital.
Pensez : je suis dyslexique : je confonds les « t » et les « f ». C’est chianf.
En plus, je suis gaucher contrariant. C’est plus fort que moi, il faut que j’emmerde
les droitiers.
J’en ai parlé à mon psy.
Il m’a conseillé de tenter une expérience de thérapie de groupe.
Au départ, je n’étais pas très chaud. D’abord, je trouve ce genre d’exhibitions
publiques tout à fait impudiques. Je suis un garçon très pudique.
Et puis, c’est cher, les thérapies de groupe. Or, mon argent aussi, j’aime qu’il soit bien rangé. On évalue ma fortune actuelle à 1 111 111 francs, c’est un bon chiffre et je m’y tiendrais…
Alors bon, mon psy m’a dit : « Mais non, pauvre enculé (nous sommes très liés),
mais non, ça ne te coûtera rien. Au contraire. Pour la thérapie de groupe,
donne-toi en spectacle. C’est toi qui seras payé. »
C’est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous ai priés de venir tous ici ce soir pour me regarder faire mon intéressant.
Bonsoir.